Plusieurs millions de Français connus ou anonymes ne situaient pas forcément son nom mais le fruit de son action : l'emblématique ouverture sociale qu'il a réussie dans cette grande école tel un lecteur avisé de Pierre BOURDIEU et de la reproduction sociale. Son talent et sa ténacité ont coagulé pour aboutir à un bilan que nous savons exceptionnellement positif. Puissent les années à venir en conserver non seulement la mémoire mais aussi les fruits tangibles.

Richard aimait les arbres du Sud de la France là où je préfère flâner le long des forêts du Morvan : nous en parlions comme de bien d'autres choses depuis notre scolarité commune ( Promotion Léonard de Vinci ). Ayant dirigé un cours-séminaire pendant treize ans rue Saint-Guillaume je dois à sa mémoire et aux lecteurs une information capitale : notre Directeur voyait beaucoup de choses mais était marqué du sceau de la liberté vis à vis de nos contributions. Le mot de censure ou de muselière lui étaient étrangers ce qui explique – selon nous – l'explosion de créativité que Sciences-Po' connait depuis plusieurs années. Chargés de compléter l'éducation de jeunes roseaux, Richard leur désignait avec doigté et savoir-faire les chênes de la certitude de la Raison au détriment tonique des chaînes de l'asservissement de certains modes de pensée.

Son savoir-faire pédagogique rejoignait alors son savoir-vivre dont bien des citoyens pourraient témoigner par-delà leur nationalité ou leur prénom !

Notre génération aura eu l'honneur de connaître un enseignant hors-pair qui, par-delà ses qualités techniques, voit l'Histoire de Sciences-Po' lui concéder un vrai rôle de visionnaire et de précurseur même au prix de quelques approximations de gestion.

Sans bien entendu vouloir choquer quiconque, j'ose établir un parallèle que ma morale et mon amitié en berne m'autorisent : Richard était un véritable héritier des Lumières, un bienheureux de l'enseignement supérieur français. Très vite, son discours clair – loin des propos amphigouriques – va être une musique établie pour des lustres. Très vite, ses disciples vont reprendre les outils de cet artisan de paix et continuer à bâtir.

Le temps de la maîtrise des peines sera hélas plus long pour sa famille à qui nous pensons respectueusement et – permettez-nous – affectueusement. Leur chagrin est immense et même entourée, cette famille devra trouver la force du clan qui sait pouvoir retrouver confiance.

Un Président de la République que Richard ne mésestimait pas nous a tous dit qu'il croyait aux forces de l'esprit. Partageant avec ardeur cette conviction, je veux croire que là où Richard est désormais parvenu, il a trouvé une lumière aussi belle que celle de la Provence qu'il affectionnait et où il parvenait à se détendre en famille.

Eléonore ROOSEVELT a écrit un jour : " Les grands esprits discutent des idées. Les esprits moyens des évènements. Les petits esprits discutent des gens. "

Par ses qualités cénesthésiques, Richard DESCOINGS a mille fois montré qu'il dépassait les questions de personnes fréquentes dans la haute Fonction publique. Il ne discutait pas des gens, il se battait pour eux.  De même, les évènements avaient une prise relative sur cette mécanique intellectuelle capable de distanciation. Enfin, nous pouvons attester qu'il savait parler d'idées. Sa cohérence cognitive et une érudition établie l'autorisaient à tous les débats : tel un précepteur coalisé avec un homme d'action. Un mélange improbable de FENELON et de d'ARTAGNAN face à certaines inerties bien françaises.

Les réseaux sociaux, la classe politique, la sphère médiatique rendent hommage à un homme d'exception dont le départ soudain provoquent bien des larmes.

Comme l'adage concernant le départ d'un ancien en Afrique, c'est un peu une bibliothèque qui a brûlé dans cette chambre d'hôtel de Manhattan et formons le rêve gratuit mais ô combien crucial que Richard ait retrouvé ses auteurs favoris.

Formons surtout le vœu que Sciences-Po' ne devienne pas une sorte de cénotaphe alors que Richard y a fait couler tant de torrents de vie et d'ouverture.

Dans le bruit des feuilles des arbres, le vent nous apportera longtemps le rire et la voix porteuse de propos finement ciselés de Monsieur le Directeur DESCOINGS.

A mon copain de promo' tombé trop tôt, ma peine vivace mène à une seule conclusion que Richard aurait probablement acceptée :

" Le tombeau des héros est le cœur des vivants " André MALRAUX.

As you left us abroad, so long Dear Richie....