30/08/2012

La crise et ses itérations contradictoires : un vrai danger ?

Le Président du Cercle des Economistes, le respecté Professeur Jean-Hervé Lorenzi, a posté sur son blog de l'automne 2011 ( Jolpress.com ) le titre suivant : " La crise financière est un symptôme et non une cause de la crise économique ". Près de six mois après, où en sommes-nous ? D'où vient le danger ?

Un semestre après la production de cet écrit, le Professeur LORENZI ne craint pas d'être démenti. Lorsqu'il avait affirmé qu'il convenait " de gérer sans drame excessif, pour plusieurs années, une croissance faible et la nécessité de remettre de l'ordre dans les finances publiques ".

Tout est dit : la notion sociétale de drame excessif, la croissance atone et la rigueur dans les finances de la sphère publique finement pratiquée, in concreto, par un certain Professeur nommé Raymond Barre.

Reprenons tout d'abord ces trois éléments. La notion de drame excessif est lourde de sens et ne place pas le débat au seul niveau des lecteurs du bouillant Stéphane HESSEL et de sa cohorte d'indignés. Comme l'a souvent écrit et démontré Raymond Aron, l'histoire peut porter révoltes et violences sociales relevant d'un certain absolu. C'est bien Raymond Aron qui avait dit du Président Giscard d'Estaing : " cet homme ne veut pas voir que l'Histoire s'écrit en lettres rouges, avec parfois le sang des peuples ".

Comme le Président Lorenzi, il nous faut espérer que le drame sera évité mais l'austérité a un coût social croissant que l'on peut même voir comme exponentiel. La crise du logement notamment symbolisé par ces travailleurs pauvres qui dorment dans leur voiture et bien d'autres exemples ne saurait inciter à l'optimisme.

Le corps social parviendra-t-il à tenir les longs mois de ce que certains banquiers appellent un peu rapidement la " purge " ?

Depuis les travaux de Mancur Olson, ( Logique de l'action collective ), il est établi que les organisations poursuivent parfois leurs propres intérêts au détriment de celui initialement affiché pour leurs mandants.

Comment les forces sociales olsoniennes vont-elles réagir dans la durée ?

Pourront-elles tenir la triple itération : contraction du pouvoir d'achat par reprise de foyers inflationnistes, poursuite de la rationalisation des effectifs ( émondage ), choc des hausses inévitables des prélèvements fiscaux et sociaux.

Enough is enough... pensent des millions de travailleurs sur notre Continent.

Parallèlement aux risques de grand dérapage social, il y a le niveau hélas bien faible de la croissance en zone €uro. D'aucuns avaient espéré que les nouvelles technologies, l'économie verte, etc seraient de puissants relais de croissance. Là encore, la prudence est de mise et les conjoncturistes de peu d'allant.

La croissance – dans une bonne vieille approche keynésienne – suppose une demande anticipée et solvable. Pour l'heure, la situation demeure incertaine mais nous voulons croire – tel un axiome – à la pertinence de la loi de Say : " l'offre crée sa propre demande ". Du micro-ondes inconnu à grande échelle il y a vingt ans en passant par les tablettes ou autres objets numériques, force est de constater que l'innovation trouve sa validation chez les consommateurs. Autrement dit, le caractère atone de la croissance nous semble renvoyer à la pertinence des produits fabriqués et mis " en rayon " devant les citoyens.

Dernier point du trio de notions à observer : la rigueur dans les finances publiques.

Tout d'abord, nous sommes dans un véritable étonnement ! Nul n'évoque jamais la célèbre loi de Wagner qu'il convient donc de rappeler avec précision.  Adolph Wagner a ainsi écrit : " plus la société se civilise, plus l'Etat est dispendieux ".  ( Fondements de l'économie politique, 1872 ).

C'est l'évidence dans les grandes démocraties occidentales et les efforts louables de Madame la Ministre Valérie Pécresse se heurtent donc à un trend historique. C'est là qu'il faut tenter de parler de rupture et de la construire à partir d'un pacte social à redéfinir et dont le sentiment d'égalité devant l'effort serait la clef de voûte.

Le Président de la République de notre pays issu du suffrage du Dimanche 6 Mai 2012 aura cette tâche complexe à réaliser. La démocratie parlementaire – celle où les élus disent vite oui aux demandes du corps social – sera confrontée à un défi : elle doit impérativement survivre ( comme aurait dit Winston Churchill ) mais profondément évoluer.

Rationaliser l'action publique suppose le " juste investissement " ( le niveau adéquat ) pour reprendre un terme du méthodique Président Jean-Paul Bailly ( alors responsable de la RATP ).

Nous – à nos rôles et places dans la société française – avons tous des exemples où les deniers publics ont été déversés davantage qu'attribués avec parcimonie. Notre Nation est parvenue à saturation et risque de sombrer dans un schéma à l'italienne où l'économie souterraine fait florès.

A nos brillants sujets de Bercy de faire preuve d'imagination : où sont les Maurice Pérouse et Lauré à l'heure où l'on ne sait critiquer que Maurice Lévy, créateur de valeur par labeur et talents.

Dans son texte, le Président Lorenzi évoque le transfert d'activités vers les pays émergents. Ses propos sont bien entendu appropriés.

Toutefois, si la migration des facteurs de production – essentiellement du capital ( voir investissements de CARREFOUR en Chine, etc ) – a permis le développement des pays émergents, il est vrai qu'elle nous a quasiment cantonné à un rôle de consommateur plutôt que de producteur.  Un certain Anton Brender l'a dit et étayé des pertinences sur la finance.  Un certain Philippe Seguin, mémorable contradicteur d'un Président dans un débat en Sorbonne, l'avait prédit.

Pour notre part, nous pensons que cette migration aurait été moins pénible si notre appareil productif avait prêté davantage d'attention à la qualité finale et au facteur résiduel cher à Edmond Malinvaud.

Par itérations successives ( pas de facilités de crédit d'où peu d'investissements,  faible pouvoir d'achat d'où demande moins soutenue qu'auparavant et taux d'épargne record, etc ) la crise économique est encore devant nous.  Elle nous tient par nos contradictions et ne nous laissera pas en paix sans de profondes transformations sociétales qu'un talent comme Cornélius Castoriadis a tenté d'établir sa vie durant.

Les réflexions du reconnu Président du Cercle des Economistes ont été publiées le 19 Octobre 2011 : soit 27 ans après l'assassinat du prêtre polonais Jerzy Popielusko et trente ans après le coup d'Etat en Pologne du 13 Décembre 1981.

Le combat clandestin fut rude mais vint Novembre 1989 et la liberté pour nos amis bloqués par le " rideau de fer " ( W. Churchill ).

Raymond Aron a tellement raison d'écrire que l'histoire est tragique mais ce détour polonais proposé au lecteur montre qu'en moins de dix ans ( de 1981 à 1989 ) la face des choses a changé.

Autrement dit ?

Les itérations qui conduisent à la situation de crise sont un fait.

Tout comme l'exactitude pour tous nos grands décideurs publics de l'analyse de Louis de Bonald :  " Dans les crises politiques, le plus difficile pour un honnête homme n'est pas de faire son devoir, mais de le connaître ".

Related Links

Partner Links