Le casse-tête de la rentabilité des actifs
Pendant des décennies, les gestionnaires de fortune travaillant dans l'atmosphère feutrée des banques privées étayaient les raisonnements qu'ils tenaient à leurs clients par des séries statistiques. Suivant le profil retenu ( gestion prudente ou à l'inverse gestion dynamique ) les opérateurs fournissaient des conseils relativement avisés.
Le casse-tête de la rentabilité des actifs
Bien sûr, la règlementation les obligeait à préciser explicitement que le " track-record " passé ne préfigurait nullement les performances futures mais la satisfaction mutuelle était au rendez-vous.
Pour prendre la place de Paris, le CAC a connu son pic de gloire à 6.168 points le 1er Juin 2007 : à ce jour, il oscille autour de 3.000 points ce qui veut dire qu'un épargnant de 2007 a vu fondre l'exacte moitié de son patrimoine détenu en actions.
Or, il était établi depuis longtemps une sorte de dogme : celui de la surperformance des actions sur le long terme. Cette position affirmée fermement par nombre d'acteurs de la Place a été réitérée par l'éminent Conseil d'Analyse Economique ( Etude Garnier et Theismar de 2009 ).
Et pourtant, comme l'a démontré récemment Marc Fiorentino en prenant le cas des valeurs bancaires ( Dexia, Crédit Agricole, BNP, etc ) la dégringolade des cours de bourse est très significative et il faudra du temps avant que l'investisseur ne retrouve sa mise de départ. On reprend là un principe simple : l'actionnaire est soumis aux aléas d'exploitation de la firme et la relative solidité des entreprises du CAC 40 avaient habitué l'épargnant à la notion de risque limité. Depuis René Monory en 1978 à Edouard Balladur en 1986 en passant par Pierre Bérégovoy en 1983, les Français s'étaient mis à aimer la Bourse hors quelques accidents comme Eurotunnel.
La période de crise que l'Europe traverse provoque inévitablement des changements dans la hiérarchie des actifs. Les actions sont vues avec méfiance ( Axa, Carrefour, etc ) et les obligations d'Etat – placement de haute sécurité – sont désormais elles aussi scrutées attentivement selon la règle du " fly to quality ". Leur rentabilité structurelle ( coupon couru ) et la variation de prix ( effet conjoncturel ) sont désormais soumises aux effets indirects des attaques spéculatives. De surcroît, il est probable que le rendement des actions en France soit affecté par des mesures gouvernementales et par un rééquilibrage du partage de la valeur ajoutée entre profits et salaires.
La crise rebat donc les cartes et il se murmure que des milliards initialement détenus via des titres nationaux ( espagnols, français ) seraient échangés contre des obligations allemandes : preuve tangible du " fly to quality " tant les épargnants redoutent l'avenir même de la monnaie de détention. Il y a aujourd'hui le risque lié à l'évolution de l'actif et le risque supposé de sa place géographique dans la zone Euro. Cette sorte de " double peine " n'a pas été rencontrée en Europe depuis l'après-guerre.
Les actions et les obligations étant vues avec circonspection, on assiste au développement de placements de niches à la fiscalité attractive : forêts, œuvres d'art.
Parfois, les entreprises innovantes ( start-up en phase 2 ) reçoivent l'assentiment des investisseurs à la recherche, sinon du futur Google ou d'Apple, du moins d'une bonne affaire.
Enfin, l'immobilier semble demeurer un placement à risque limité suivant les pays : si Londres et Paris se maintiennent, on sait que l'Espagne voit le prix des terrains et celui des logements neufs s'effondrer. Situation contrastée, donc.
Le principe d'une crise économique est d'affecter l'activité ( récession et chômage ), celui d'une crise monétaire est de renforcer les incertitudes ( Euroland ) et celui d'une crise financière est de porter atteinte à la rentabilité et au principal des actifs investis.
Nous en sommes là et certains se précipitent sur l'or : phénomène de thésaurisation toxique pour une économie comme l'a montré Lord Keynes dans les années 30....