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08/11/2012
politique économique europe

Confiance et politique économique actuelle

Confiance et politique économique actuelle

Plusieurs informations venues d’Allemagne nous indiquent que la politique économique de la France inquiète. Tant les milieux privés que les Pouvoirs publics. En France, par-delà les options partisanes, de nombreuses questions se posent sur l’ensemble de l’échiquier politique. Examinons donc les rapports entre la notion de confiance et la politique économique.

La politique économique est définie de manière académique comme recouvrant trois fonctions.

1 ) Une fonction d’allocation des ressources par laquelle les dépenses de l’Etat assurent les lignes directrices de la politique générale du Gouvernement. Dans le cas du Gouvernement Ayrault, il s’agit ici notamment des dépenses d’éducation ou des investissements en recherche et développement.

2 ) Une fonction de stabilisation macro-économique par laquelle l’Etat assure la stabilité des prix et notamment parvient à contenir le différentiel d’intérêts qui concerne le financement de notre dette souveraine.

3 ) Une fonction de redistribution par laquelle l’Etat utilise le levier fiscal pour assurer une justice sociale définie selon les critères de l’équipe au pouvoir. En ce moment, on parle ici de « redressement juste » dans le cadre d’un puissant effort fiscal demandé aux ménages et aux entreprises.

Au plan conjoncturel, la France est dans une position délicate clairement située en-dehors du corridor d’Axel Leijonhufvud ( 1968 ) qui préconisait alors – dans ce type de cas de figure - de revenir à de classiques méthodes keynésiennes. De fait, le choix d’une pression fiscale ( au détriment d’économies accrues sur les dépenses publiques ) dans la Loi de finances pour 2013 risque d’être pro-cyclique et d’accroître les altérations portées à la croissance par la conjoncture environnante. Autrement dit, un premier manque de confiance vient d’une politique qui n’est pas contra-cyclique alors que les prévisions de croissance du PIB pour 2013 ne cessent d’être revues à la baisse. Loin des 0,8% du PLF 2013, le consensus s’établit autour de 0,2%, dans la meilleure des hypothèses.

La politique économique retenue par le Président Hollande retient, au grand dam de l’aile gauche de sa majorité, des points invariants de référence : adhésion à l’OMC et à la mondialisation, maintien dans l’euro, accord sur l’intensification de l’intégration européenne. Pour notre part, au risque d’être vilipendé par certains, cette trilogie nous parait crédible pour les intérêts futurs de notre pays mais délicate à tenir en phase d’atonie de la croissance et de chômage de masse.

L’économiste Antony Downs a expliqué dès 1957 ( An economic theory of democracy ) que « les partis définissent des politiques pour gagner des élections plutôt qu’ils ne gagnent les élections pour définir des politiques ». Or, c’est précisément le sentiment que donnent certains signaux gouvernementaux. Pour une large partie de l’opinion publique française orpheline des seules compétences macro-économiques incontestables de Dominique Strauss-Kahn, il y a questionnement et derrière celui-ci il y a objectivement érosion de la confiance.

Nombre d’agents économiques vivent ce ressenti et leur instinct les place sur la défensive vis à vis des Pouvoirs publics : « L’oiseau construirait-il son nid s’il n’avait son instinct de confiance au monde ? ». Gaston Bachelard. ( La poétique de l’espace ).

Pour reprendre et exploiter une information connue en marketing, à savoir la règle des 4P ( product, price, place, promotion ), on va pouvoir observer que la confiance est là aussi abîmée selon plusieurs niveaux distincts.  Les 4P sont produit, prix, distribution et promotion. S’agissant de la politique française, le contenu ( produit ) est contesté au plan de l’analyse économique. ( Keynes et autres points cités infra ). Son prix ( les efforts fiscaux vs le faible apport de l’Etat ) est incompris. Sa distribution, c’est à dire la diffusion du message a été incertaine voire erratique selon les contradictions publiquement exposées. Sa promotion visant, par exemple, à mieux expliquer que les efforts de 2013 seraient utiles à la Nation dans une deuxième étape n’est pas passé. Seul le dynamique ministre Jérôme Cahuzac a réussi à rendre audible son équivalence sémantique entre dette et « impôt à la naissance ». Pour le reste, les communicants pourraient démontrer que le trio cible, message, tuyau a été mis dans l’ornière.

Une idée et une visualisation simple : mettez dans le même compartiment de TGV le Ministre Bernard Cazeneuve, le Ministre Benoît Hamon et les Sénateurs Jean-Vincent Placé et Pierre Laurent. Comme dirait la porte-parole du Gouvernement : pas de couacs !

Au stress de la crise qui râpe méthodiquement bien des existences depuis une demie décennie, à l’angoisse induite du déclassement social, les Pouvoirs publics ont ajouté – par leur souhait du débat démocratique qui demeure respectable par ailleurs – une irritation citoyenne face à cette série de haut-parleurs cacophoniques. Ceci a été et demeure un foyer d’altération de la confiance y compris de nos partenaires étrangers ( Mme Merkel, M.Monti notamment ) et de la Commission de Bruxelles.

En 1990 dans son livre ( Institutionnal change et economic fundamentals ) le prix Nobel d’économie ( 1993 ) Douglass North a démontré l’importance de l’histoire économique. Si l’on fait un peu d’histoire française contemporaine, il est aisé de se souvenir de l’immense espérance soulevée par l’élection en Mai 1981 de l’élu du Morvan François Mitterrand. Quelques semaines plus tard, son truculent Premier ministre Pierre Mauroy décidait de se jeter dans un combat anti-chefs d’entreprise. Certains d’entre nous ont en mémoire le trop célèbre cri : « il faut faire rendre gorge aux patrons » de 1981. Très vite un certain recadrage a eu lieu alors qu’en 2013, même après le surprenant mouvement des pigeons, l’opinion ressent un fossé sérieusement perceptible entre le monde des entrepreneurs et celui du pouvoir en place. Ceci est probablement normal compte-tenu des options politiques supposées ou affichées des uns et des autres mais passé un stade de normalité, on tombe vite dans l’anomalie de leadership qui sape la confiance et engendre des initiatives un peu hasardeuses ( appel de 98 grands patrons dans le JDD ) au regard de l’attractivité de notre pays.

Après cette mention à l’histoire économique ( chère au Professeur Jean-Charles Asselin ) et à un certain choc des cultures, il faut aborder une question économique d’importance qui a été élaborée et démontrée par Kenneth Arrow dès 1951 ( Choix collectifs et préférences individuelles ) : le théorème du « no bridge » ( de l’impossibilité ) qui établit qu’il ne peut y avoir de relation de préférence collective cohérente à partir des relations de préférence de chacun des agents. Autrement dit, la politique économique décidée ne peut se fonder sur une relation prévisible et quantifiée entre la micro-économie ( le corps social ) et l’impact de son contenu ( macro-économie ). A l’heure présente, la probable révision à la baisse de l’hypothèse de croissance retenue dans le PLF 2013, l’aspect hélas pro-cyclique des choix effectués, le maintien des forces récessives en Europe sont des éléments qui vont conduire le Gouvernement à élaborer un collectif budgétaire dès Février 2013. Certains le savent. Certains le sentent. Or, la confiance ne peut s’installer dans une telle instabilité du climat des affaires : les décisions publiques – notamment fiscales – prises de manière récursive n’y aident pas.

Une politique économique maîtrisée suppose un « fine tuning », un peaufinage conjoncturel et des socles de cohérence. On voit bien que le Gouvernement n’est pas unanime sur le choc devenu trajectoire devenue « pacte de compétitivité » lié au rapport Gallois sur la compétitivité. Derrière ce texte, il y a possiblement 400.000 destructions d’emplois si rien de crédible n’est rapidement engagé ou à l’inverse le début d’une courbe en J où notre Nation pourra espérer rebâtir une industrie. Là encore, les atermoiements – difficiles à ne pas déceler – posent question sur le cap tandis que le bruit des aiguilles du temps filent sous nos yeux inquiets.

Le génial publicitaire David Ogilvy avait réalisé une publicité pour une voiture de haut de gamme en indiquant « qu’à 60 miles le bruit le plus fort viendra de la pendule du tableau de bord » ( « At 60 miles an hour the loudest noice in this new Rolls-Royce comes from the electric clock » ).

Le tableau de bord économique de la France est difficile pour la nouvelle majorité et ses mesures sont nécessairement impopulaires. Toutefois, la confiance en sa politique économique dépend autant de paramètres techniques que du bruit de l’horloge dans le char de l’Etat qui s’apparente – à ce jour - davantage à Big Ben qu’à un discret et feutré réveil de voyage.

Si ces conditions devaient perdurer, le voyage serait alors aussi chaotique que les déplacements sur les vieux chemins de terre qu’appréciait le marcheur François Mitterrand dans le Morvan.  Or comme l’a si bien écrit Paulo Coelho : « Quand on voyage vers un objectif, il est très important de prêter attention au chemin. C’est toujours le chemin qui nous enseigne la meilleure façon d’y parvenir, et il nous enrichit à mesure  que nous le parcourons ».

Vu de Londres ou de Berlin qui interpelle ouvertement la notion de confiance, la France doit ressembler à une drôle de République dont le précédent Président était parfois commis voyageur par son nombre de déplacements et dont l’actuel semble craindre de se commettre à fixer un cap tenable pour le voyage historique inscrit dans la durée que lui confère les institutions de Vème République.

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