Comment s'apprêter à voter un budget 2016 caduc ?
Le projet de Loi de finances pour 2016 est en plein examen parlementaire. Force est de constater qu'il s'éloigne des réalités et se rapproche de la caducité. Analyse.
Le PLF pour 2016 a vu son volet recettes adopté par l'Assemblée Nationale. Le reste de la discussion est en-cours avant l'examen – très probablement – plus critique par le Sénat.
Après analyses, la lucidité conduit à constater que ce PLF va être frappé de caducité.
Selon la définition première, la caducité d'un texte provient de sa désuétude ou de sa nullité juridique partielle. Sauf erreurs de droit que viendrait à censurer le Conseil constitutionnel ( reprise des impositions sur les retraités modestes ? ), je ne vise pas ici une composante juridique de la caducité mais une composante organique tendant à stigmatiser l'irréalisme des hypothèses macroéconomiques qui forgent l'armature du PLF.
En clair, le budget 2016 tiendra d'autant moins la route (http://lecercle.lesechos.fr/node/140541/
) que le retournement conjoncturel mondial est désormais franchement confirmé.
A telle enseigne qu'un consensus se dégage pour corriger à la baisse les prévisions de croissance pour 2016. Clairement ou de manière graduelle, quasi-impressionniste, selon les institutions émettrices.
Dès le 16 septembre 2015, l'OCDE ramenait sa prévision de 1,7% à 1,4%. ( pour 2016 ). Chiffre repris à la décimale près par la Commission européenne en date du 5 Novembre. Tandis que Bruxelles pointait du doigt nos futures maigres performances en matière de chômage et de déficit public.
Que la règle des 3% soit à nouveau écornée n'est pas un vrai péril tant la crise est encore vivace. En revanche, tabler sur des recettes fiscales générées par 1,5% de taux de croissance en 2016 ( hypothèse du PLF ) est infondé ce que ne démentent pas, dans des cénacles privés, certains membres du HCFP. ( Haut-Conseil des Finances Publiques ).
Vauvenargues a su écrire : " Pour savoir ce qu'il faut faire, il faut du génie. Pour savoir comment le faire, il faut du talent. Pour le faire, il faut de la vertu. "
La violence de la mutation économique en cours de déploiement supposerait bien une once de génie. Mais en restant dans les limites de l'épure classique, qui ne voit que ce budget est triste par la rusticité des outils qu'il utilise ? Ainsi, son caractère passif, du type " stratégie au fil de l'eau ", est patent pour ce qui concerne l'évolution de la fiscalité affectée qui représente tout de même une masse de près de 110 milliards. ( L'incroyable dérive de 112 milliards de taxes affectées ! LE CERCLE | LE 29/08/2013 ) ou ( https://jeanyvesarcher.com/lincroyable-dérive-de-112-milliards-de-taxes-affectées )
Ne vaut-il pas mieux contingenter les budgets de ces plus de 350 agences plutôt que de s'attaquer aux paramètres d'éligibilité à l'allocation adulte handicapé ( AAH ) ?
Leur intimer 5% d'économies, c'est apporter près de 6 milliards à la maison France pour reprendre un terme qu'affectionnait Jacques Delors.
Où est l'ambition de rebudgétisation de ces sommes ? Le PLF 2015 se limitait à moins de 20 milliards. Combien pour 2016 ?
Voilà une proposition concrète, tangible et dotée de faisabilité. Où sont donc les concepteurs de Bercy chargés du bien public ?
Autre dossier : le fonctionnement du maquis des AAI : autorités administratives indépendantes.
Une démonstration grandeur nature nous est fourni par un récent rapport sénatorial ( 4 Novembre 2015 ) émis par Madame Marie-Hélène DES ESGAULX, présidente, et Monsieur Jacques MÉZARD, rapporteur de la commission d'enquête sur le bilan et le contrôle de la création, de l'organisation, de l'activité et de la gestion des autorités administratives indépendantes. ( AAI ).
Ce texte est hélas édifiant car il montre notre propension à la création de satellites de l'Etat sans fil rouge, sans étude d'impact ni analyse relevant de la sociologie administrative. (http://www.senat.fr/notice-rapport/2015/lc260-notice.html ).
Pour la conjoncture 2016, l'avenir tranchera. Poincaré disait que " les programmes électoraux ne sont que les inventaires des désillusions du lendemain ". Or, un budget n'est pas un programme de tréteaux, c'est l'acte majeur du temps démocratique de la nation.
Ici, tout sera vicié par la surdité sélective des Pouvoirs publics alors même que d'éminents esprits internationaux nous auront collectivement mis en garde.
Lorsque le 5 Octobre 2015, Maurice Obstfeld, le nouvel économiste en chef du FMI ( successeur du français Olivier Blanchard ) déclare : " Six années après que l'économie mondiale est sortie de sa récession (de 2009) la plus large et la plus profonde de l'après-guerre, un retour à une expansion mondiale robuste et synchronisée continue de ce dérober ", je ne doute pas que le Secrétaire d'Etat au budget, - Christian Eckert - épaulé par sa solide formation mathématique, ne soit pas à même d'en tirer des conclusions d'évidence.
Le RHD ( raisonnement hypothético-déductif ) cher à Van Joolingen et De Jong ( 1993 ) reflète " la capacité de l'apprenant à déduire des conclusions à partir de pures hypothèses et pas seulement d'une observation réelle ".
En matière de progression de notre PIB, les observations sont déjà claires et pour le reste, il suffit de consolider différents travaux pour voir où le pointillé de la courbe nous conduit.
Faute de réalisme, on aura la caducité que viendra sanctionner une LFR : Loi de Finances rectificative. En jurisprudence civile, on parle de " perte de chance "...
vendredi 13 novembre 2015