10/09/2012

Crise et peur du déclassement social

Avoir un emploi et en vivre dignement : deux souhaits qui sont désormais complexes à obtenir et à maintenir dans la durée. Le sous-emploi est un marqueur de la société française. Pour contenir cette attaque contre la sécurisation des parcours professionnels que 2013 annonce en progression, que faudrait-il essayer ? De plus serait-ce suffisant pour maintenir en état de marche l’ascenseur social ?

Selon l’un des fondateurs de la sociologie, Durkheim : «  La cause déterminante d’un fait social doit être cherchée parmi les faits sociaux antécédents »  ( in Règles de la méthode sociologique ). Ainsi donc les angoisses qui traversent et orientent les pensées de nos concitoyens seraient à trouver dans des faits antérieurs à la crise de 2008. Ceci semble un vrai paradoxe et pour l’instant une sorte d’énigme. Tentons d’y voir plus clair.

En 1974 est paru un petit livre de l’agrégé Serge Lacrampe consacré au « changement social » ( Editions Scodel ) où il expose que le statut d’une personne se résume le plus souvent à la situation professionnelle ( page 22 ) mais qu’il faut aussi intégrer le fait que l’individu occupe plusieurs statuts ( père de famille, etc ). Il effectue ainsi une distinction entre le « statut actuel et les statuts latents ». Ce point est important au plan méthodologique car dans sa critique du livre du sociologue Eric Maurin ( «  La peur du déclassement, une sociologie des récessions » paru au Seuil en 2009 ) son brillant confrère Camille Peugny lui reproche précisément de limiter le déclassement à la notion de perte d’un emploi stable. De même, il n’est pas convaincu par le contenu maurinien du concept de « déchéance sociale » qu’il trouve trop restrictif.

Premier point d’étape, il y a donc une définition plus ou moins extensive de la notion de déclassement social.

Pour notre part, et en mémoire de notre regretté Professeur en Sorbonne – le Doyen Henri Bartoli -, nous reprenons certains de ces développements ( in Economie et création collective ) et considérons, à son instar, que «  l’économie s’inscrit au cœur d’un fait social infiniment plus complexe » : ainsi, le déclassement ne saurait se limiter au fait d’avoir un métier moins valorisé ( hiérarchie, salaire, perspectives de carrière ) que ses parents. Le déclassement social est une notion que nous revendiquons comme – hélas – plus vaste et donc plus ravageuse pour les citoyens.

Dans un rapport remis le 9 Juillet 2009 à Madame la ministre Kosciusko-Morizet, une équipe de chercheurs dans la mouvance du CAS ( Centre d’Analyse Stratégique qui dépend des services du Premier ministre ) ont été, de manière assez impressionnante, très en phase avec les travaux de Camille Peugny ( in Le déclassement, Grasset ).

Tout d’abord, ils ont souligné la multiplication des déclassements à l’embauche : autrement dit, le poste obtenu est significativement inférieur à la formation de son titulaire. C’est le syndrome du Bac +5 qui démarre sa vie professionnelle dans un fast-food.

Puis, il y a un chiffre impressionnant de violence qu’il faut citer : au début des années 1980, 18% des trentenaires estimaient détenir une position professionnelle inférieure à leurs parents. En 2009, ce chiffre est passé à 25%. Gardant vivace à l’esprit la phrase précitée de Durkheim, on voit que les faits antécédents sont confirmés et alourdis de plus d’un tiers ( NDLR : un tiers ! ) en trente ans. Les crises de 1974, 1979, etc sont passées par là et font l’effet d’une boule de bowling pour nombre de formations que des jeunes ou des universitaires se sont battus pour obtenir. Dans l’analyse du rapport de 2009, il est même indiqué que les diplômes universitaires ne sont un bouclier à peu près certain face au chômage que s’il s’agit de troisième cycle. On mesure l’exclusion sociale que la France produit car quelle famille peut « offrir » des scolarités aussi longues à sa descendance.

Puis, à côté des déclassements à l’embauche, on note – par exemple chez les quadragénaires – une ascension sociale inter-générationnelle limitée et parfois factice. De même qu’il n’y aurait plus d’aveugles mais des non-voyants, il n’y aurait plus de bas de hiérarchie industrielle mais des opérateurs confirmés, etc. L’évolution du salariat, ce n’est pas l’inflation des salaires ( comme le Credoc le montre – à l’inverse - régulièrement ) mais parfois l’inflation des titres qui sont aussi beaux sur le papier que les conditions de travail demeurent difficiles. Pour des millions de salariés, par rapport à la situation passée de leurs parents, l’appartenance à la même CSP ( catégorie socio-professionnelle ) est une gageure et la stabilité de l’emploi une possibilité non confirmée.

Lors de la Conférence sociale tenue sous la présidence du Premier ministre en Juillet 2012, une table ronde était consacrée à la sécurisation des parcours professionnels : un thème central pour la paix sociale future et pour la motivation professionnelle de demain.

Enfin, nous situant dans une conception extensive de la notion de déclassement ( et formaté au niveau du plein individu et non du seul salarié ), nous sommes dans l’obligation d’énoncer les thèmes qui éloignent la génération qui suit de celle qui a connu les Trente glorieuses ( Jean Fourastié ). La pollution dans les conurbations urbaines, le stress de la vie dite moderne, l’allongement continu de la durée des trajets domicile-travail ( qui n’ont jamais pu être pris en compte dans la notion de pénibilité du travail abordée lors de la dernière réforme des retraites ), le slogan « à travail égal, salaire égal » toujours chimérique pour les femmes, la croissance des contrats précaires ( stages, CDD, etc ) font que nous considérons, comme Louis Chauvel ( « Les classes moyennes à la dérive » 2006 ), que le déclassement n’est pas un concept à la périphérie de la nouvelle société française en gestation mais qu’elle en représente un axe central.

Les médecins du travail ont une vision millimétrique du déclassement : ils savent les salariés qui se replient dans une attitude critique pire que celle des « Indignés » des rues d’Espagne et ils savent hélas aussi les ravages du repli et de la mésestime de soi qui atteignent le salarié qui plafonne et dont l’asymptote professionnelle est digne du plafond de verre qui concerne la capacité des femmes à atteindre de hautes fonctions.

Le déclassement va s’étendre avec la continuation de la crise de 2008 muée en quasi-récession et ses points saillants vont se perpétuer avec un danger plus accusé qu’autrefois sur un paramètre important : celui du logement. Selon les études crédibles sur le sujet, il ressort qu’en moyenne le logement représentait 10% du revenu disponible des ménages en 1984 et plus de 20% en 2008. Rien n’est plus poignant que ce phénomène dit des travailleurs pauvres qui ont un job mais doivent dormir dans leurs voitures faute de pouvoir accepter la notion de loyer dans leur pouvoir d’achat. Lorsque les maraudes des courageux travailleurs sociaux auront cet hiver, en plus, à vérifier si les voitures sont vides ou « habitées », je ne suis pas certain que La Fayette, Aristide Briand ou Joseph Fontanet seraient fiers de la France. Tout est compliqué par la crise économique bien sûr mais il y a ici où là des reculs du droit social : exemple des temps partiels « subis » car annoncés à la dernière minute, rémunérations incertaines, etc.

Sur ce thème essentiel de notre évolution sociétale, la lucidité du sociologue Robert Castel ( « Les métamorphoses de la question sociale », Fayard 1995 ) est intellectuellement impressionnante. Les tenants de la fracture sociale de l’époque auraient du se faire résumer ce livre pour asseoir des dynamiques politiques de changement au lieu de laisser s’installer «  un avenir marqué du sceau de l’aléatoire » pour reprendre un mot de l’auteur.

Dans son Traité de sociologie, l’éminent Georges Gurvitch énonce un fait crucial : «  La sociologie est une science qui étudie les phénomènes sociaux totaux dans l’ensemble de leurs aspects et de leur mouvement en les captant dans des types dialectisés microsociaux, groupaux et globaux en train de se faire et de se défaire ». Marqué par ce que l’on a nommé l’hyperempirisme, Gurvitch a toujours insisté sur les transformations des structures sociales héritées, selon lui, d’un vaste mouvement simultané de déstructuration et de structuration.

A l’heure du XXIème siècle commencé dans le fracas du 11 Septembre 2001 et dans le tumulte de la crise mondiale de 2008, bien des innovations et bien des progrès apparaissent chaque jour et sont porteurs d’espoirs : il y a in concreto de beaux moments qui s’annoncent et l’humanité progresse.

Parallèlement à ces progrès, il y a une compétition véritablement exacerbée entre l’homme et la machine : Raymond Aron ( « Dix-huit leçons sur la société industrielle ») et Alfred Sauvy avaient prédit que le progrès technique allait s’accélérer et qu’il serait récessif d’emplois. Ce sujet va être une des clefs de demain en Europe où bien des emplois sont menacés par la substitution capital-travail.

Cette contribution, fidèle à l’école de Gurvitch, a traité du microsocial, du groupal et maintenant du global en concluant par la question du progrès technique cannibale et par une référence liée à notre goût pour les forêts du Morvan :  «  Si une forêt surgit pour vous empêcher d’avancer, écartez les arbres. Les ronces vous suivront. »  ( Eugène Ionesco, in Notes et Contre-notes ).

Que les épines des ronces du déclassement social ne s’enfoncent pas trop profondément dans le corps social, déjà fatigué et inquiet, de notre Nation.

Jean-Yves Archer

12 Août 2012

http://www.laviedesidees.fr/La-realite-sociale-du-declassement.html

 

 

http://www.universalis.fr/encyclopedie/georges-gurvitch/

 

 

lundi 10 septembre 2012

 

 

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