12/02/2013

Dexia et l'opacité des taux d'intérêt.

La banque Dexia vient d'être condamnée en première instance dans le procès qui l'oppose au département de la Seine-Saint-Denis. Ainsi, ce dernier n'est désormais contraint qu'aux seuls versements du taux d'intérêt légal et non plus aux taux contractuellement définis. A partir de ce cas, examinons l'opacité des taux d'intérêts.

 

Face à la pente impressionnante des taux d'intérêts à payer suite aux emprunts dits toxiques, le département longtemps dirigé par Monsieur Claude Bartolone ( qui avait hérité de cette situation d'endettement ) avait décidé de surseoir à ces règlements. Le Tribunal de  grande instance de Nanterre intime l'ordre à cette collectivité de reprendre ses paiements mais à partir du seul taux d'intérêt légal.

Le manque à gagner pour Dexia va être significatif puisque le taux de l'intérêt légal issu du décret n°2012-182 du 7 février 2012 l'a fixé à 0,72% contre 5 à 9% pour le taux unissant les parties en cause.

Il est à noter que la condamnation de la banque ne provient pas de la complexité des emprunts proposés ( trois prêts pour un total de 200 millions d'euros ) mais du seul fait que le taux effectif global n'a pas été mentionné explicitement à l'emprunteur.

C'est donc le défaut d'information que le Tribunal a retenu, évidemment à bon droit. Là où l'opacité de l'évolution des taux d'intérêts va demeurer sera lorsque le formalisme de l'information du débiteur aura été respectée. En effet le TGI de Nanterre apporte une précision embarrassante pour de nombreuses collectivités locales. Celles-ci ne cessent de clamer que les banques ont manqué à leur devoir de conseil et ainsi profité d'une asymétrie d'information – chère à l'économiste George Akerlof – entre les compétences inégales des parties. Or, le tribunal a considéré qu'il s'agissait bien de " prêts conformes à la règlementation qui distingue opération de crédit et instrument financier ".

Autrement dit, la Justice considère et affirme que les élus avaient toute compétence formelle et intellectuelle pour appréhender la nature risquée des emprunts structurés. Le Tribunal est limpide dans sa formulation : " le département de Seine-Saint-Denis était un emprunteur particulièrement averti qui connaissait le mécanisme des emprunts structurés et était conscient des risques que ces emprunts généraient en fonction de l'évolution des marchés financiers ".

A ce stade, les collectivités locales n'ont pas vu examiner en détail la question de l'obligation de conseil et son degré d'applicabilité au cas d'espèce. A partir du moment où l'emprunteur est reconnu compétent, l'obligation de conseil décroit en intensité requise. Pourtant, selon nous, la question demeure posée par exemple dans le cas de la ville de Saint-Etienne où certaines conditions de démarchage bancaire semblent poser question.

Sur le fond, on peut s'interroger sur l'opportunité que va avoir Dexia d'éventuellement faire appel de ce jugement qui consacre sa pratique mais sanctionne le seul défaut d'information. La cour d'Appel de Versailles connue pour la qualité de ses arrêts par les avocats d'affaires pourrait – si elle devait être saisie – procéder à une lecture différente. A l'inverse, les élus sont placés devant un dilemme. Faire appel, c'est la possibilité de voir leurs charges allégées ou au contraire leurs responsabilités d'emprunteurs éclairés sinon avertis reconnues.

En dépassant le cas d'espèce, il parait troublant qu'un établissement bancaire de cette surface et de ce renom n'est pas estimé requis de suivre les prescriptions sur le TEG dont le caractère obligatoire de l'information remonte à un célèbre arrêt de la cour de Cassation d'avril 1988. (ndlr : 1988 ). Le TEG lui-même étant issu de la loi du 28 décembre 1966. (ndlr : 1966 ).

L'ancienneté de ces dispositions tend à prouver que la non-communication du TEG au débiteur pourrait avoir eu une finalité intentionnelle. Première question pendante. Deuxième élément, faute de maîtriser le TEG, peut-on dire qu'il y a eu dol au préjudice de l'emprunteur ? Troisième élément, la question du crédit ruineux. Des emprunts sont qualifiés de ruineux lorsque l'établissement de crédit a connaissance de la gravité des déséquilibres financiers de son client. C'est vrai dans le secteur privé avec la notion de situation irrémédiablement compromise. C'est aussi applicable au secteur des collectivités territoriales dont l'endettement semble disproportionné à ses ressources présentes et futures. L'absence de viabilité a été retenue à plusieurs reprises : arrêt de la cour de Cassation du 25 avril 2001. Dernier élément cher aux juristes, la question du manquement à la loyauté du co-contractant.

En matière de crédit classique, il faut en effet savoir que la non-information écrite du TEG est pénalement sanctionnée selon l'alinéa 2 de l'article L313-2 du Code de la consommation. La nullité partielle dont a bénéficié le " 9-3 " aurait éventuellement pu recouvrir une dimension répressive si certaines conditions se trouvent réunies.

Les taux variables représentent une opportunité et parfois un risque : c'est à chaque agent de se déterminer.

Les lignes qui précèdent vous ont rapporté le caractère audacieux – pour ne pas dire plus – de certaines pratiques. Venant de surcroît d'un établissement auquel le site web " Le Cercle Les Echos " a dédié une chronique littéraire en date du 17 septembre 2012 : " Dexia, l'autopsie d'une chute ".

En matière de contentieux, souvenons-nous que Dexia est sous contrôle public et que c'est en quelque sorte – hélas - un procès entre délégataires de contribuables : ces derniers étant appelés à payer ici ou là.

Plus généralement, depuis le scandale du Libor, structure pivot de la plupart des taux variables en Occident, nous savons que les TEG sont viciés par construction puisque bâti à partir d'un mécanisme frauduleux. Peut-être aura-t-on l'opportunité de lire une intéressante construction jurisprudentielle sur la validité juridique d'un taux dont l'opacité frauduleuse d'un élément prépondérant pose question .

A suivre.

 

 

 

 

 

 

Related Links

Partner Links